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Les grandes abbayes et l'art roman - Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa. XLIX

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cuxa-49. Les grandes abbayes et l'art roman - Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa. XLIX

28 décembre 2018

diffuseur : éditions mergoil

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Cécile TREFFORT

FONDER FONDER, CONSTRUIRE, CONSACRER :LA NAISSANCE D’UNE « ABBAYE ROMANE »

 

Entre le choix d’un lieu adéquat et l’installation des premiers religieux, la naissance d’une grande abbaye romane est un processus long et complexe : aux motivations spirituelles des fondateurs, qui président à la volonté de construire un ensemble tout entier dédié à la prière, s’adjoint en effet une série de considérations institutionnelles, économiques ou matérielles que l’article aborde de manière synthétique, en se fondant sur quelques exemples principalement aquitains.


Olivier POISSON

JOSEP PUIG I CADAFALCH (1867-1956) ET CUXA

2017, cent-cinquantenaire de sa naissance, a été retenue comme « année Puig i Cadafalch » par la Généralité de Catalogne. Josep Puig i Cadafalch est en effet une figure de premier plan pour la Catalogne du XXe siècle. Architecte et homme politique, il a d’abord réalisé une oeuvre construite moderniste à peu près contemporaine de celle de Gaudí puis, comme dirigeant de la Mancomunitat, première forme de gouvernement autonome de la Catalogne (1917-1924), il a contribué à fonder ses institutions culturelles modernes. Historien de l’art, il est surtout connu pour son travail sur l’architecture romane, en particulier sa vision du « Premier art roman », titre de son ouvrage publié à Paris en 1928. Dans son oeuvre d’historien de l’architecture, Cuxa tient une place importante qu’il importe de rappeler, à cause de son histoire et de son caractère particulier, ainsi que des études qu’il y a consacrées en 1933-1934 et 1936-1937, lors de son second exil en France. Puig a été, aussi, un des premiers restaurateurs de l’abbaye, comme « collaborateur informel » des Monuments historiques français, de 1936 au milieu des années quarante.


Christian SAPIN

DE SAINT-RIQUIER À VÉZELAY, L’APPORT DE L’ARCHÉOLOGIE À LA CONNAISSANCE DES MONASTÈRES

La connaissance des grands monastères s’est longtemps réduite au prestige de leur abbatiale. À l’exception de quelques sites, dont les bâtiments claustraux ont été conservés, la restitution des ensembles monastiques pour les XIe-XIIe siècles a longtemps été le résultat de l’interprétation de sources descriptives ou de l’iconographie réalisée avant les grandes campagnes de reconstruction, notamment des bénédictins de Saint-Maur. Depuis quelques décennies, l’archéologie du terrain, comme celle des vestiges de bâtiments encore debout, a évolué dans ses approches et ses méthodes. Son usage plus systématique a permis de renouveler notre perception, à la fois des structures dans leur fondation ou leur histoire et, plus encore, dans la compréhension des fonctions parfois complexes de ses composantes. À partir d’exemples concrets, on s’attardera sur la période des XIe-XIIe siècles et, à travers celle-ci, sur la part des monastères dans la constitution de l’art roman.


Neil STRATFORD

CLUNY III : AUTELS, CHOEUR LITURGIQUE, SÉPULTURES

Malgré les démolitions, nous disposons d’une importante documentation sur les autels de Cluny III, sur le choeur liturgique, sa clôture et ses deux ambons et pour les sépultures. Certes, cette documentation est souvent tardive. De plus, les fragments des autels, de la clôture et des tombeaux qui nous sont parvenus sont rares et ne sont que partiellement représentatifs. On peut cependant avancer certaines hypothèses d’ordre général : par exemple, que la clôture du choeur, déjà occupé par les moines avant 1121/1122, était formée d’une haute barrière de maçonnerie (l’idée habituellement reçue que « le jubé » est une invention gothique n’est plus admissible). En outre, Cluny III était conçu dès le début en 1088 comme un vaste mausolée, limité à certains grands ecclésiastiques et à ses abbés : pendant une première période, il n’y eut pas de sépultures laïques, ni de femmes, dans la grande église. Étant donné le rôle dominant de Cluny dans les décennies de la Réforme Grégorienne et celles qui ont suivi, la documentation présentée ici n’est pas sans intérêt pour l’historien du Moyen Âge.


Éliane VERGNOLLE

LE CHOEUR DE SAINT-BENOÎT-SUR-LOIRE : PROGRAMME MONUMENTAL, MISE EN SCÈNE DES RELIQUES ET LITURGIE MONASTIQUE

Depuis leur arrivée à l’abbaye de Fleury à la fin du VIIe siècle, les reliques de saint Benoît étaient, si l’on excepte une brève période au milieu du Xe siècle, déposées dans l’abbatiale, devant l’autel majeur dédié à la Vierge. Cette situation devait radicalement changer avec la construction d’un nouveau chevet dont l’achèvement, en 1108, fut marqué par une translation des reliques dans la crypte. La châsse qui les contenait était placée à l’aplomb de l’autel matutinal dédié à saint Benoît, situé dans l’abside. Bien que l’abbaye n’ait pas organisé de véritable pèlerinage le déambulatoire de la crypte rendaient les reliques accessibles aux laïcs. Les moines étaient en contact avec elles depuis le choeur monastique, par des fenestellae ouvertes dans le mur de confession. Dans le sanctuaire, la travée abritant l’autel et les reliques de saint Benoît était doublement mise en valeur : à l’extérieur par des tours jumelles encadrant l’entrée du déambulatoire, à l’intérieur par des piles composées dont les chapiteaux illustrent des miracles du saint. Le pavement de marbre en opus sectile qui ornait le choeur de l’église précédente fut remployé dans le nouveau choeur, encadré par des files de colonnes évoquant l’architecture paléochrétienne. Le dépôt lapidaire conserve d’importants vestiges du décor sculpté de l’autel matutinal ainsi qu’un fragment de Christ en majesté qui pourrait provenir de l’autel majeur. Les dispositions du sanctuaire de 1108 ont été restituées après les fouilles de 1958-1959 qui ont permis de les retrouver.


Christian GENSBEITEL

L’ÉGLISE DU PRIEURÉ CLUNISIEN SAINT-EUTROPE DE SAINTES, ENTRE CULTE DES RELIQUES ET VIE MONASTIQUE

Le prieuré Saint-Eutrope de Saintes, refondé en 1081, devint, avec sa communauté d’une vingtaine de moines, un des principaux établissements de dépendance directe au sein du réseau clunisien en Aquitaine. Cet ancien lieu de culte déjà attesté au VIe siècle et dédié à la mémoire de l’évangélisateur de la Saintonge, était tombé entre des mains laïques et sa donation solennelle à l’ordre de Cluny par le comte-duc Guillaume VIII constitue un des épisodes marquants des débuts de la réforme grégorienne dans la région à la suite des premiers conciles réunis par le légat pontifical Amat d’Oloron. La consécration d’un nouveau sanctuaire en 1096 par le pape Urbain II témoigne aussi de la réactivation du culte de la relique du saint au moment de l’essor des grands pèlerinages. Comme à Saint-Martial de Limoges, c’est donc une communauté clunisienne, et non pas canoniale, qui fut amenée à mettre en valeur une relique dont le prestige est perceptible au XIIe dans le long texte hagiographique que lui consacra le rédacteur du Liber sancti jacobi. Malgré les transformations gothiques intervenues à la fin du Moyen Âge et la disparition de sa nef, démolie en 1803, le chevet de l’église prieurale de Saintes est digne de ceux des grandes abbayes de la région. Ses cinq travées droites précédant une abside et enveloppées d’un déambulatoire ouvert sur trois chapelles rayonnantes mesurent plus de vingt mètres de long, sans compter le transept, encore conservé dans son emprise primitive. Ce chevet repose sur une crypte monumentale dotée du même plan, qui témoigne encore aujourd’hui d’un chantier hors du commun, dont le décor sculpté et le raffinement architectural contribuèrent largement à l’éclosion romane du XIIe dans le diocèse, sans pour autant être jamais égalé. Une étude préalable à des travaux de restauration nous donne aujourd’hui l’occasion de rouvrir le dossier de ce monument complexe dans le cadre d’un programme collectif de recherche. Cette communication constitue un premier état des lieux dans la phase d’amorce de ce programme. Elle portera à la fois sur la place de l’édifice roman et de son décor dans le paysage architectural des environs de 1100 et sur une réflexion particulière autour de la question de l’organisation spatiale et de l’adaptation du projet architectural à la double fonction d’église monastique bénédictine et de sanctuaire de pèlerinage.


Maddalena VACCARO

SOUS LES PIEDS DE LA COMMUNAUTÉ DU MONT-CASSIN (MONTECASSINO) : ESPACES ARCHITECTURAUX ET DÉCORS DES PAVEMENTS

L’église abbatiale de Montecassino que l’abbé Didier fait construire à partir de 1066, consacrée en 1071 lors d’une grande cérémonie, est bien connue des savants et historiens comme un des monuments plus importants pour l’histoire de l’art du Moyen Âge. La Chronique écrite par Leo Marsicanus nous offre de précieuses informations matérielles et culturelles sur les choix de Didier, qui sont bien évidemment un point de départ pour comprendre le monastère dans sa totalité. En outre, l’histoire de Montecassino est sans aucun doute marquée à jamais par le bombardement dévastateur de 1944 par les Alliés, mais les recherches peuvent se référer à d’importants témoignages textuels et graphiques antérieurs et, en particulier, à la Chronique du Monastère d’Erasmus Gattola et à l’ouvrage du frère Angelo Pantoni, ingénieur, qui avait conduit de précieux relevés des structures pendant la décennie d’avant-guerre. Ces considérations valent aussi en ce qui concerne le pavement en opus sectile de l’église, conservé pour la plus grande partie au-dessous du sol du XVIIe siècle, mais que Pantoni avait relevé et photographié. C’est à partir de ces sources que l’on peut reconsidérer la présence des pavements à l’intérieur du monastère, leur typologie et leurs parentés artistiques. La Chronica Casinensis nous atteste le fait que Didier lui-même avait fait venir des maîtres de Constantinople afin de travailler à l’exécution du pavement puisque « la Maestria dei latini ormai da più di cinquecento anni aveva perduto la tecnica di queste arti ». Cependant, le cadre plus général de la production des pavements en mosaïque exige de mettre en évidence à leur propos l’existence et la connaissance des pavements romains (Santa Maria in Cosmedin, San Giorgio al Velabro) et, probablement, d’autres encore en Italie et en Europe, en remontant jusqu’à l’époque carolingienne. Les sources nous permettent encore de réfléchir sur le thème de la composition du pavement par rapport à l’usage du sol pendant les célébrations liturgiques, en particulier à certains moments et surtout dans l’espace du choeur. Finalement, notre regard s’étendra jusqu’à l’autorité acquise par cette mosaïque, qui a constitué un modèle pour tous les pavements des églises liées à l’abbaye (San Liberatore a Maiella), a stimulé les productions cosmatesques romaines, bien connues et qui à déterminé un moyen de penser le décor des pavements bien évidemment différent de celui qui viendra mis en place dans les régions du Nord et du Sud de l’Italie.


Anna ORRIOLS

ENTRE SOUVENIR ET PRESTIGE. COMMÉMORATIONS VISUELLES DANS LES ABBAYES CATALANES (XIe-XIIe SIÈCLES)

Comme bien d’autres institutions, laïques ou religieuses, les monastères utilisaient des faits et des sujets du passé – lointain ou proche, véridique ou inventé – pour maintenir ou accroître leur prestige. Tous les types de ressources visuelles (inscriptions, images, mobilier, architecture) ont perpétué la mémoire des fondateurs, des ancêtres ou de circonstances importantes. Parfois, les personnages liés à la réalisation d’une oeuvre (commanditaires, artistes) laissaient le témoignage de leurs contributions. On prendra en considération des différents cas relatifs aux abbayes catalanes, tout en analysant leurs modèles, à la fois idéologiques et formels, et leurs intentions.


Anna ORRIOLS

TROIS GRANDS MONASTÈRES CLUNISIENS EN ANGLETERRE : LEWES, CASTLE ACRE ET WENLOCK

En Angleterre, la plupart des grands monastères clunisiens ont été fondés globalement entre 1080 et 1110. Ils ont tous été dissouts au cours du XVIe siècle, si bien qu’il ne subsiste aujourd’hui que cinq sites conservant des vestiges substantiels. Dans cette communication je souhaite reconsidérer trois d’entre eux, les anciens prieurés de Castle Acre, Wenlock et Lewes, afin d’évaluer le développement de leur architecture jusqu’aux environs de 1200. J’en déduirai qu’à l’exception de Wenlock, où les indices sont limités, l’architecture de ces églises monastiques est remarquablement inventive. L’agencement des espaces monastiques peut être comparé à celui des monastères bénédictins en général mais, dans le contexte spécifiquement anglo-normand, ce sont des constructions tout à fait innovantes.


Pio Francesco PISTILLI

ARCHITECTURE BÉNÉDICTINE AU SUD DE L’EMPIRE. L’ADAPTATION DE L’ÉGLISE ABBATIALE DE FARFA À L’ÉPOQUE PRÉROMANE

L’abbaye impériale de Farfa constitue, pour l’époque ottonienne et salique (fin Xes.-v. 1060) et dans sa difficile et controversée lecture archéologique, une extraordinaire pierre de touche pour vérifier la pénétration de l’influence centro-européenne, à travers l’Italie padane, dans la Péninsule et jusqu’aux portes de Rome. Cette communication, passant en revue les thèses aujourd’hui historiques de Markthaler (1928), les analyses archéologiques de la British School de Rome (années 1980) ainsi que la plus récente et heureuse monographie de McClendon (1986), se propose de revisiter, à l’aide d’instruments de recherche inédits, cette phase chronologique du monument de la Sabine, caractérisée par la reconstruction du choeur oriental de l’église, pour comprendre dans sa substance la portée, pas toujours claire, d’une modernisation d’inspiration germanique. Cela explique l’impossibilité de trouver un modèle direct au-delà des Alpes pour le choeur abbatial de Farfa, dont le dessin général apparaît hétérogène, et corrige, par la prise en compte d’une période de référence plus large (première moitié du XIe s.) les conclusions auxquelles était arrivé McClendon il y a trente ans, donna un contenu différent à son affirmation que la Farfa romane « ne fut pas la copie esclave d’un modèle déterminé, mais représente plutôt une synthèse unique de divers courants architecturaux ».


Scott BROWN

AMAT D’OLORON À L’ABBAYE DE LA SAUVE-MAJEURE : L’ESPRIT CONSTRUCTEUR ET SON GUIDE DANS L’ARCHITECTURE RELIGIEUSE EN AQUITAINE À LA FIN DU XIe SIÈCLE

L’abbaye de La Sauve Majeure est sans doute une des fondations monastiques les plus réussies de France au dernier quart du XIe siècle, mais les vérités de sa fondation et construction restent obscures. À côté des fondateurs déjà connus des historiens, un troisième homme mérite aussi la reconnaissance: Amat, évêque d’Oloron, archevêque de Bordeaux et légat du pape Grégoire VII. Amat a des liens intimes avec des monuments d’une grande importance pour l’art roman. Lui aussi était bâtisseur à Oloron, à Bordeaux et, je viens de le proposer, à La Sauve Majeure. Étudier le rôle d’Amat à La Sauve Majeure, c’est interroger l’idée de l’art roman lui-même : de la vie religieuse et l’esprit bâtisseur à la fin du XIe siècle à l’époque de la réforme grégorienne au début de la renaissance de l’art de la sculpture.


Andreas HARTMANN-VIRNICH, Aix-Marseille Université (LA3M),
Heike HANSEN, Aix-Marseille Université (LA3M),
Götz ECHTENACHER

À LA RECHERCHE DU CHOEUR PERDU : LE CHEVET DE L’ABBATIALE DE SAINT-GILLES-DU-GARD

Le chevet de l’ancienne abbatiale de Saint-Gilles-du-Gard, détruit au cours des guerres de Religion et démonté entre le XVIIe et le début du XIXe siècle, fut un des plus vastes et prestigieux choeurs à déambulatoire et chapelles rayonnantes du Sud de la France aux côtés de son proche voisin et aîné, la crypte de l’abbatiale de Montmajour près d’Arles. Élevé à partir du dernier tiers ou quart du XIIe siècle à la gloire du saint thaumaturge Gilles dont le pèlerinage était réputé jusqu’en Europe centrale, jamais terminé, l’édifice se présente aujourd’hui dans un état très arasé, à l’exception des élévations qui renferment la « vis de Saint-Gilles », chef d’oeuvre de stéréotomie célèbre depuis la Renaissance. La restitution numérique du grand monument, et la recherche de ses sources d’inspiration appellent un dialogue permanent, et proprement « constructif », entre l’archéologue du bâti, l’historien de l’art et l’architecte-infographe. Le relevé et l’étude pierre-à-pierre des vestiges du chevet, ainsi que la fouille partielle de ses fondations dans le cadre de travaux de consolidation et de mise en valeur, ont permis de préciser la stratégie des bâtisseurs de la fin du XIIe siècle. Le contraste entre, d’une part, les distorsions du plan de la nef et du transept, conséquence de la prise en compte de structures antérieures, et la régularité de celui de l’hémicycle d’autre part, confirme que ce dernier fut conçu comme un ouvrage spécifique. En effet, des problèmes de raccord et des changements de géométrie et de modénature semblent marquer la rencontre de deux chantiers de mise en oeuvre simultanés et interdépendants. Les fondations furent construites de l’ouest à l’est par adossement successif, en les adaptant aux dimensions inégales des chapelles rayonnantes. Si la mise en place du plan définitif à la première assise des élévations, préparé par des repères, n’alla pas sans quelques ajustements, la très faible variation des dimensions des éléments homologues et la grande homogénéité des assises, de la modénature et des signes lapidaires dans l’ensemble de l’hémicycle accusent une conception et mise en oeuvre rigoureuses. Dans les parties hautes, la mise en oeuvre des maçonneries était rythmée par une alternance de trois modules d’assise rigoureusement standardisés. A ce stade du chantier les bâtisseurs eurent recours à des armatures de fer forgé scellées au plomb, encastrées dans les pierres de parement de la cage de l’escalier pour compenser les poussées de la célèbre voûte hélicoïdale. D’autres crampons maintenaient les chapiteaux des colonnettes et pilastres. Quant au voûtement du collatéral et de la première chapelle attenante, l’étude a confirmé la modification du projet au profit de l’adoption de croisées d’ogives, sous la forme de puissantes moulures ornées à l’instar des ogives de la crypte qui furent elles aussi introduites dans un second temps en modifiant le programme monumental initial. Des traces d’un décor peint de date incertaine sur les chapiteaux et sur les restes de la voûte de la chapelle septentrionale rappellent celles identifiées sur le tympan du portail septentrional de la façade. Les sources d’inspiration du chevet de Saint-Gilles restent difficiles à identifier : l’exemple antérieur de la crypte de l’abbatiale de Montmajour, celui du chevet de Saint-Sernin de Toulouse, et des analogies formelles et dimensionnelles avec le chevet du Saint-Sépulcre à Jérusalem ne sont que trois indices au sein d’un faisceau complexe de références examinées en vue de la restitution 3D.


Marie-Pierre BONETTI

ENTRE INNOVATION ET TRADITION, DEUX SIÈCLES D’ARCHITECTURE ROMANE À L’ABBAYE SAINT-VICTOR DE MARSEILLE

L’actuelle église Saint-Victor de Marseille ne représente qu’une partie du complexe monumental de la grande abbaye détruite à l’époque révolutionnaire. L’hétérogénéité et le caractère lacunaire du site, aujourd’hui noyé dans le tissu urbain, altèrent largement la perception de l’église abbatiale bâtie, entre le XIIe et le XIIIe siècle, sur un édifice paléochrétien transformé en crypte souterraine. Cependant, l’analyse archéologique du monument montre que les techniques utilisées tout au long du XIIIe siècle sont encore caractéristiques de l’architecture romane. De même, les nouveaux éléments, puisés dans l’architecture gothique septentrionale, pour achever l’église sont timidement mis en oeuvre entre la fin du XIIIe et le premier tiers du XIVe siècle.


Anaël VIGNET

L’ABBAYE DE SAINT-AMANT-DE-BOIXE : UN EXEMPLE DE GESTION TERRITORIALE À TRAVERS SES DÉPENDANCES À L’ÉPOQUE ROMANE

L’ancienne abbaye bénédictine de Saint-Amant-de-Boixe, située dans le nord de l’ancien diocèse d’Angoulême, est intimement liée à un territoire. Quasiment dès sa refondation au Xe s. par les comtes d’Angoulême, les abbés appliquent une politique habile et efficace pour développer son temporel et le concentrer dans un rayon d’environ 20 km, constituant, pour ainsi dire, un pré-carré autour de la forêt de Boixe notamment. De fait, elle interagit avec un grand nombre d’institutions tant ecclésiastiques que laïcs : évêque d’Angoulême, abbés de Charroux et d’Aurillac, Templiers, Cisterciens, comtes d’Angoulême, etc. Ces relations sont parfois subies (avec l’évêché d’Angoulême ou l’abbaye Saint-Géraud d’Aurillac), voire conflictuelles, parfois pacifiques (et donc souvent absentes de la documentation). Ainsi l’étude de cet établissement et de ses dépendances, permet de préciser la mise en place et le rôle d’une abbaye non exempte de l’ordinaire et à rayonnement régional, et de ses dépendances.


Marc SUREDA JUBANY

LA LITURGIE DANS L’ABBAYE ROMANE : SANTA MARIA DE RIPOLL

La naissance d’une abbaye romane est le résultat de plusieurs enjeux, de l’économie à la politique, mais qui se manifestent dans une institution où la liturgie constitue, dès la fondation, une raison d’être principale. Placée au centre de son fonctionnement quotidien et pôle autour duquel est organisée la vie de la communauté monastique, la liturgie devient elle aussi un moyen d’expression de la personnalité de l’abbaye et de sa position dans un système social et culturel. Dans le cas de l’abbaye de Ripoll, un monument très bien connu et dont les manifestations architecturales et sculptées ont été largement étudiées, par contre peu de documents liturgiques on été conservés. Cependant, certains indices nous permettent d’essayer la reconstruction du fonctionnement liturgique de l’abbaye et, en fonction de cela, l’interpretation de la réalité matérielle et artistique conservée. Cet exercice ne vise pas à en tirer des conclusions bouleversantes, mais tout simplement à placer l’abbaye de Ripoll et son fonctionnement liturgique dans le cadre des abbayes romanes européenes dans lesquelles ces données sont connues et étudiées depuis longtemps.


Émilie MINEO

LA MÉMOIRE DES ARTISTES ROMANS DANS LES GRANDES ABBAYES, DE SAINT-BENOÎT-SUR-LOIRE À SAINT-DENIS

L’article propose une réflexion sur les vecteurs et les enjeux de la conservation d’une mémoire nominale des artistes romans en milieu monastique, en puisant aux exemples français entre le second quart du XIe et la fin du XIIe siècle. Il s’attache en premier lieu aux récits à caractère historique pour montrer comment les artisans y sont parfois nommés, principalement dans le cadre d’épisodes miraculeux ou pour exalter la capacité d’un prélat bâtisseur à se procurer les meilleurs maîtres. Sont ensuite analysées les inscriptions appelées communément « signatures » par lesquelles un individu revendique la réalisation de l’Oeuvre. Enfin la valeur de ces inscriptions nominales est mise en perspective dans le contexte des pratiques de commémoration pour proposer une lecture à vocation dévotionnelle et eschatologique de ces attestations épigraphiques.

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